
Après avoir colonisé le fond des océans, la communication numérique s’attaque à l’espace. Les conséquences de cette pollution spatiale commencent à devenir concrètes, et ce n’est pas réjouissant.
Souvenez-vous, nous évoquions précédemment en quoi la bien mal nommée “dématérialisation” tapissait progressivement et de manière très concrète le fond des océans. On estime en effet à plus 1,3 millions de kilomètres la longueur cumulée des câbles déposés au fond des océans pour permettre à cette communication immatérielle d’exister – ce qui constitue un exemple, s’il en faut, de la matérialité de la communication prétendument “dématérialisée”.
Après la mer, le ciel.
L’ADEME, l’Arcep et le CNES s’associent aujourd’hui pour une journée d’échanges et de réflexion, le 20 novembre 2023 à la Cité des Sciences et de l’Industrie, concernant la pollution spatiale. Sans que le citoyen ait pu en prendre conscience, le nombre de satellites passant au-dessus de nos têtes a en effet explosé. De 68 satellites lancés en 1965, ils sont passés à près de 2 500 en 2022. Ces 3 dernières années, la soudaine multiplication des mégaconstellations opère un changement d’échelle : sans une régulation internationale adaptée, les 9 000 satellites présents au-dessus de nos têtes pourraient plus que décupler dans la prochaine décennie.
L’essentiel de ces satellites provient du secteur de la télécommunication, et en particulier de Space X, créée par Elon Musk. 4 823 satellites seraient ainsi dans l’espace pour faciliter la communication, et notamment l’accès à internet partout, tout le temps. Comme les câbles sous-marins, ce réseau spatial doit permettre à chacun d’accéder à ses données, ses réseaux sociaux, ses images. Une utilité sociale très questionnable, sans que cette utilisation de l’espace soit pour autant encadrée.
Des conséquences multiples, et inattendues
D’un point de vue environnemental, les impacts de la pollution spatiale commencent à être identifiés, mais comme souvent, ils sont encore peu ou mal mesurés. Surtout, le nombre exponentiel de satellites à venir d’ici 2030 fera exploser les besoins en métaux rares nécessaires à leur fonctionnement, ou les ressources nécessaires à leur mise en orbite. Pollution spécifique à ce secteur, les déchets risquent de rendre l’exploration spatiale difficile à court terme : les débris s’accumulent et deviennent impossibles à tracer. Faudra-t-il imaginer une Responsabilité élargie du producteur de satellites pour récupérer et traiter ces déchets… et les ressources rares qu’ils contiennent?
D’un point de vue sociétal, des questions inédites se posent également. Depuis 2018, Starlink, le projet porté par Space X a déjà mis en orbite plus de 1700 satellites, par grappes de 60. L’objectif, est de 12 000 satellites d’ici 2025, et plus de 40 000 à terme. Et cela perturbe déjà la recherche. “Starlink a complètement changé la donne. Déjà, ils sont assez bas, avec un panneau solaire très brillant. (…) Ensuite, passer de 5000 satellites à 40 000, ça fait un maillage de satellites autour de la Terre, une coque de satellites qui fait que, peu importe le champ qu’on va observer, on va avoir des traînées de satellites qui vont défigurer nos images et qui vont nous empêcher de faire notre science“, explique l’astrophysicien Miguel Montargès.
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