
La Banque centrale européenne mène un projet de monnaie numérique, dont les craintes sociétales sont relayées par le journal Le Monde. Il est frappant de constater qu’au-delà d’un discours très favorable et idyllique présenté par la BCE, aucune considération sur l’environnement n’est prise en compte.
Vérifiez vous-même… sur ces pages, pas même dans les questions fréquentes (les fameuses FAQ), ce sujet n’est abordé.
Pour ce que l’on comprend du fonctionnement de cette monnaie miraculeuse, il s’agirait d’une cryptomonnaie, mais garantie par une banque centrale. Cela donne probablement des garanties monétaires, mais pour ce qui est du fonctionnement technique, on peut s’inquiéter de ses conséquences pour l’environnement. Nous en avions parlé ici : des études indiquent en effet que les déchets électroniques en lien direct avec le bitcoin seraient de l’ordre de 30 700 tonnes chaque année, soit autant que la quantité de déchets d’équipements électroniques du Pays-Bas. En outre, en mars 2022, une transaction Bitcoin nécessite 2200kWh, soit le double de la quantité d’énergie consommée par un foyer américain en un mois.
Si les cryptomonnaies sont critiquables par leur impact environnemental, au moins elles n’existent que par elles-mêmes, sans remplacer une version papier antérieur. Pour ce qui est de l’euro, cette frénésie technologique est d’autant plus curieuse que, pour les achats du quotidien, le papier monnaie a fait ses preuves.
La BCE nous dit ainsi que l’euro numérique serait utile pour les achats du quotidien (pour lesquels nos billets donnent toute satisfaction depuis quelques siècles), qu’il serait sûr (sauf à se faire voler son portable contenant l’indispensable porte-monnaie numérique), et anonyme (personne n’a jamais eu à se plaindre d’un billet de ce point de vue).
Parmi les questions non traitées, l’environnement donc, où le raisonnement est simple. S’agissant d’un billet produit une fois, ses réutilisations successives n’engendreront pas d’impact supplémentaire ; bien au contraire, plus un billet sera réutilisé, plus le « coût environnemental » d’un paiement au moyen de ce billet diminuera. Pour l’euro-numérique, c’est l’inverse : chaque réutilisation de la monnaie nécessitera des ressources et de l’énergie, qui seront colossales à l’échelle d’une monnaie dont chaque euro devra être traçable et utilisée par 450 millions d’habitants chaque jour. On imagine à peine la quantité de serveurs qui seront nécessaires pour faire fonctionner cette monnaie – en tous les cas, la BCE n’y a manifestement pas pensé.
Nous en avions parlé pour les menus numériques – que certains voudraient écologiques. Voilà un nouvel exemple où le réemploi du papier est à préférer à des aventures technologiques dont les impacts environnementaux sont manifestement oubliés. Dommage que l’environnement soit un tel angle mort d’une politique publique qui concernera notre quotidien futur.