
Jusqu’à présent, le greenwashing, ou écoblanchiment en français, représentait essentiellement un risque de réputation. La Loi climat et résilience change la donne. Allons nous vers la fin de la “dématérialisation”?
Sauf à pouvoir démontrer qu’une allégation environnementale concernait les caractéristiques essentielles du bien ou du service, et constituait alors une pratique commerciale trompeuse, les allégations environnementales infondées ne faisaient pas réellement courir de risque juridique à une entreprise. Cette dernière était essentiellement exposée à un risque de réputation, même si cela n’est pas anodin : des exemples ont marqué les esprits aux dépens de l’image d’une marque.
Jusqu’à présent, le marketing environnemental reposait principalement sur des guides de bonnes pratiques ou normes professionnelles n’ayant pas réellement de conséquence légale. Le Jury de déontologie de la publicité peut éventuellement statuer, instance de régulation professionnelle qui peut épingler un annonceur, mais là encore sans véritable pouvoir de sanction. Encore faut-il que l’allégation concernée rentre dans les définitions professionnelles de la publicité, laissant de côté de nombreuses affirmations reprises sur des emballages ou dans les médias. Nous en avons fait l’expérience : Two Sides a certes obtenu satisfaction après ses plaintes concernant Armen Paper et Mineral Print ; pour autant, cela n’a pas empêché ces entreprises, et d’autres, de poursuivre le greenwashing à propos de la prétendue “dématérialisation” ou du papier de pierre.
“Dématérialisation” et greenwashing : d’un risque de réputation à un risque juridique
Les choses ont changé : la loi Climat a enrichi les cas des pratiques commerciales trompeuses, en ajoutant à la liste de l’article L. 121-2 du Code de la consommation les cas concernant « la portée des engagements de l’annonceur, notamment en matière environnementale ».
Cette infraction est passible de deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende. La sanction peut être portée à 10 % du chiffre d’affaires annuel ou à 50 % des dépenses de publicités engagées ; ce taux étant porté à 80 % si les allégations portées sont environnementales (L.132-2 du Code de la consommation).
Au-delà de l’enjeu de réputation, les entreprises sont donc maintenant exposées à un risque juridique et financier significatif. On ne pourra qu’encourager les entreprises de la filière graphique à la plus grande attention lorsqu’elles communiqueront sur la performance environnementale de leurs produits. Mais on ne pourra également que se réjouir de cette évolution législative, qui pourra être mobilisée pour enfin lutter contre le greenwashing lié à la « dématérialisation » pratiqué par les acteurs des services numériques.
Un cadre juridique renforcé
On notera également que la loi AGEC a introduit dans le code de l’environnement l’interdiction de faire figurer sur un produit ou un emballage les mentions “ biodégradable ”, “ respectueux de l’environnement ” ou toute autre mention équivalente, ceci afin d’éviter les allégations trop vagues, générales, ou infondées. Un décret issu de cette loi oblige aussi les metteurs sur le marcher de produits électriques et électroniques à informer le consommateur sur leur réparabilité, la présence de terres rares ou les métaux précieux, et les opérateurs de téléphonie à faire figurer sur la facture des abonnés l’impact carbone lié à leur usage internet et mobile. Enfin, la neutralité et la compensation carbone sont précisément encadrées sur la teneur des justifications à mettre à la disposition du consommateur. Autant de nouveautés juridiques qui donnent naissance à un cadre contraignant pour limiter, espérons-le, les abus du marketing environnemental utilisé par les secteurs du numérique.
[Edit : en matière de “dématérialisation” et greenwashing, Two Sides a également obtenu gain de cause récemment auprès du Jury de déontologie publicitaire, concernant Docusign].
2 thoughts on “« Dématérialisation » prend garde à toi : le greenwashing dispose maintenant d’un cadre légal contraignant”
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