
Les médias ont mis en avant ces derniers mois les impacts environnementaux du numérique. Reflet d’une prise de conscience soudaine, les journalistes et de nombreuses personnalités réalisent que la dématérialisation n’existe pas, et que les smartphones et les infrastructures sans lesquelles ils ne peuvent fonctionner ont une réalité physique, qui n’est pas neutre pour l’environnement. Exercice complexe par essence, The Shift Project a malgré tout chiffré à plus de 300 millions de tonnes de CO2 les émissions associées à l’usage de la vidéo sur internet. Deux chercheurs de l’Université de McMaster en Ontario estiment que l’industrie des technologies de l’information et de la communication (TIC) devrait représenter 14% des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici 2040. La complexité, leur moindre matérialité perçue par le citoyen et le peu de transparence pour calculer les impacts écologiques du digital n’empêchent donc pas des chercheurs, comme Françoise Berthoud, du CNRS, de s’en inquiéter, comme dans cette interview du Monde de septembre 2019. En Janvier 2020, Alternative Économique consacre d’ailleurs un dossier à la face cachée environnementale du numérique, également évoquée par le chercheur François Gemenne dans Télérama, qui nous dit que « l’empreinte carbone d’un e-mail stocké sur un ordinateur est infiniment plus lourde que celle d’une feuille de papier issu d’une forêt gérée durablement ».
Les autres impacts, sociétaux, du numérique commencent également à émerger dans le débat public. Le sociologue de l’EHESS Antonio Casilli a ainsi chiffré l’ampleur des emplois précaires, les travailleurs du clic, qui alimentent cette intelligence artificielle qui semble tellement fascinante. Son travail a été repris dans les Echos Dans le domaine cognitif, les impacts des écrans alertent les éducateurs et préoccupent les parents. Le Point, comme Télérama s’en font l’écho…
Économiquement, l’hégémonie des GAFA a depuis longtemps été mise en avant, ainsi que leurs comportements d’optimisation fiscale : la richesse créée par nos comportements et la consommation des français ne bénéficie donc pas au pays. Elle est au contraire captée par un nombre restreint d’entreprises dont les moyens pour développer de nouveaux outils digitaux encore plus puissants et consommateurs de ressources naturelles deviennent considérables.
Face à cette prise de conscience qui couvre l’ensemble des aspects environnementaux, économiques et sociétaux du développement durable, un aspect manque pourtant. Les réponses se focalisent souvent sur un usage « responsable » du digital, ou des conseils pour éviter l’addiction du smartphone, posant comme acquis que les outils de communication numérique sont les moyens de communication incontournables. Tous ces médias, et de nombreux intervenants institutionnels ne font pas le pas supplémentaire de questionner cet usage et de se retourner vers des moyens de communication alternatifs, respectueux de l’utilisateur, appréciés du lecteur et dont la performance environnementale n’est plus à démontrer : pour aller au bout de la logique, retrouvez ici tous les arguments en faveur de l’usage du papier.